L’accès aux soins de santé : un droit universel ?

Quand le « syndrome méditerranéen » devient le reflet des discriminations ethniques dans le milieu médical. Pour les patients issus de minorité, l’accès aux soins est rarement égalitaire. Compte tenu des faits, les différences culturelles joueraient-elles un rôle crucial dans la prise en charge ?

Image par Gerd Altmann de Pixabay

Le 29 décembre 2017, suite à de fortes douleurs au ventre, Naomie Musenga appelle le SAMU de Strasbourg. Lors de la conversation téléphonique, celle-ci n’est pas prise au sérieux par l’opératrice. Cette négligence lui sera fatale puisqu’elle décèdera quelques heures plus tard du fait d’une prise en charge tardive.

« Vous allez mourir certainement un jour comme tout le monde » sont les mots insensibles prononcés par l’opératrice. L’enregistrement de la conversation entre elles a été rendu public fin avril 2018, entraînant la suspension de la salariée et un tollé de haine sur les réseaux.

Hélas, cette négligence dont a été victime la jeune femme de 22 ans n’est pas nouvelle et met en lumière un problème de grande envergure appelé : « le syndrome méditerranéen ». Un concept peu connu, mais qui gangrène les hôpitaux. En quoi consiste-t-il ? Les patients étrangers amplifieraient- ils leur douleur lors de prises en charge ou est-ce une forme de racisme institutionnel dans les instances médicales ? Décryptage. 

Quand les préjugés tuent !

« Au service de mes patients, je favoriserai leur santé et soulagerai leurs souffrances. (…) Je veillerai à ce que  des convictions politiques ou philosophiques, des considérations de classe sociale, de race, d’ethnie, de nation, de langue, de genre, de préférence sexuelle, d’âge, de maladie ou de handicap n’influencent pas mon attitude envers mes patients », annonce le serment d’Hippocrate, l’un des textes les plus importants de la déontologie médicale et que les médecins sont tenus de respecter.

Nichole Thea en Angleterre, Joyce Echaquan, une autochtone au Canada ou encore Naomie Musenga en France. Un point commun réunit toutes ces femmes : elles étaient pour la plupart issues de cultures différentes et ont toutes subi un manque d’attention dans la prise en charge des soins et qui pour certaines d’entre elles, leur ont coûté la vie. Les circonstances de ces drames remettent inévitablement en cause la mise en pratique du serment d’Hippocrate. Ces cas de négligence de la part de certains membres du personnel soignant s’expliquent souvent par « le syndrome méditerranéen ». Une notion qui reste toutefois informelle, basée sur des arguments culturalistes, selon lesquels les patients étrangers exacerberaient leurs maux en raison de leur origine ethnique.

Obstacles inévitables pour les étrangers

Pour les étrangers, se rendre dans un hôpital est parfois plus compliqué. Il n’y a parfois pas d’interprètes mis à disposition, faible niveau de littératie, barrières linguistiques, stéréotypes véhiculés par certains membres du personnel soignant. Tels sont les obstacles auxquels doit faire face une partie de la population belge.

Les étrangers naviguent dans un système de santé qu’ils ne connaissent pas. « Chez nous, on va chez un médecin généraliste, et ce même médecin nous oriente vers d’autres praticiens ou d’autres services, mais cette notion de médecin généraliste n’existe pas dans tous les pays », déclare Alexia Brumagne, chargée de projets au sein de l’ASBL Culture et santé située à Anderlecht. Le rapport à la santé varie d’une culture à l’autre. « Quand on arrive, on doit s’approprier ce nouveau système de santé et plus il est différent du pays d’origine, plus ça va être compliqué », rajoute Mme Brumagne.

Culture et Santé au service des étrangers

À Bruxelles, il existe de nombreuses ASBL qui aident la population étrangère à se retrouver dans le système de santé Belge.

Culture et Santé en fait partie. Implanté sur Bruxelles, depuis bientôt 50 ans, Mlle Alexia Brumagne nous informe avec fierté que l’ASBL dispose de trois secteurs d’activités. Le premier réside dans l’éducation permanente visant à produire des outils pédagogiques axés sur la santé. Ensuite, on retrouve le secteur de la promotion dont elle fait partie.

« On est actif en deuxième ligne, c’est-à-dire qu’on vient en soutien aux professionnels des secteurs sociaux et de la santé », explique Alexia.

Alexia Brumagne, chargée de projet au sein de L’ASBL Culture et Santé. ©Brinicha,Nisrine,2021.

Et enfin, il y a celui de la cohésion sociale.

Mlle Brumagne attire l’attention sur une de leurs spécificités en matière de communication : « Nos outils, nous les créons de manière à ce qu’ils soient le plus visuel possible. L’objectif est qu’ils soient accessibles un maximum aux personnes analphabètes », précise Mme Alexia.

L’ASBL met aussi en avant la représentation de la diversité culturelle et veille à ce que chacun se retrouve dans leurs croquis.

Les schémas anatomiques de cet étudiant nigérien sont devenus viraux. L’objectif: mettre aussi en avant le corps des noirs dans la sphère médical.

S.O.S : Mon médecin ne me comprend pas !

Il est indéniable que les différences culturelles interfèrent dans la relation soignant-soigné. Surtout lorsqu’on sait que :  » La santé est un concept culturel » .

Par ailleurs, la culture englobe la perception de la santé, le rapport à la maladie, sans oublier les croyances qui peuvent parfois entraver la relation. Tous ces facteurs influencent la prise en charge au niveau des soins. Si bien que plusieurs études PDF affirment par exemple que les maladies chroniques sont entre autres causées par les comportements et les modes de vie auxquelles les patients adhèrent. De plus, les recherches PDF révèlent que les patients ont des conceptions de la santé qui diffèrent de celles administrées par le modèle biomédical, créant ainsi un sentiment d’insatisfaction quant à la qualité des soins donnés.

Mme Brumagne accepte de livrer un témoignage vécu par une des membres de l’ASBL et qui illustre cette incompréhension.

« Une travailleuse de l’ONE explique à une maman qu’elle peut passer à la diversification alimentaire avec son bébé, elle lui conseille de lui donner des aubergines, courgettes, etc. Au rendez-vous suivant, la travailleuse constate que la maman n’a pas appliqué son conseil. Elle ne comprend pas ce qu’il s’est passé. Plus tard, elle comprendra que cette maman ne connaissait pas ces légumes ni la manière de les cuisiner, ce qui explique qu’elle n’a pas pu appliquer cette recommandation » ,raconte Mme Brumagne.

De la littératie aux compétences transculturelles

« On estime que 30 à 40 % des Belges ont un niveau de littératie limité » déplore Alexia Brumagne. « Plus les personnes ont un faible niveau de littératie, plus leur état de santé sera moins bon » ,continue Mme Brumagne.

Pour pallier à ces chocs culturels, il existe de nombreux outils tels que la littératie en soins de santé ou encore les compétences transculturelles.

Ces outils permettront de prodiguer des soins de meilleure qualité et favoriseront également un climat de confiance entre le patient et le soignant.

Bruxelles, véritable mosaïque culturelle ?

En 2015, Bruxelles a été élue deuxième ville la plus cosmopolite du monde PDF selon une étude faite par le World Migration Report. Et plus récemment, les derniers chiffres de l’Office Belge de statistique indiquent une hausse de la diversité au sein de la population belge, au cours de ces dix dernières années.

Ces chiffres se font ressentir aussi dans les instances médicales, endroits où coexiste une pluralité de cultures.

« Ouvrir le dialogue face à la différence culturelle, c’est un des remèdes pour lutter contre toute forme de discrimination, y compris en soins de santé. »

Brumagne ALEXIA

Pour en savoir plus :

Brinicha Nisrine

Etudiante en première année en communication à l’ISFSC.

Curieuse et passionnée par l’actualité. Dénoncer les injustices et éveiller les consciences, tels sont mes engagements.