Violences sexuelles, on en parle ?

Une étude a révélé que près de 50% des Belges ont déjà subi des violences sexuelles dans leur vie. Tant de personnes concernées en Belgique et pourtant le tabou persiste. Comment passer outre ces événements traumatisants? À qui s’adresser pour recevoir de l’aide?

Anete Luisa – Pexels

Entre le 27 septembre et le 15 octobre 2019, 2302 Belges âgés entre 15 et 75 ans ont participé à un sondage réalisé par Amnesty et SOS Viol sur les violences sexuelles en Belgique. Celui-ci a permis de pointer du doigt des chiffres surprenants, 20% des femmes belges ont été victimes de viol.

Françoise Leroux, psychologue au CPVS de Bruxelles (Centre de Prise en charge de Violences Sexuelles), explique les violences sexuelles comme : « Tout acte à caractère sexué qui ne respecte pas le consentement de l’autre ». En réalité, les violences sexuelles sont un continuum allant d’une parole à caractère sexué jusqu’au cas extrême qui peut être le viol. Il existe quatre types distincts de violence qui varient selon le degré de contact physique. Tout d’abord, il y a l’intimidation sexuelle qui implique une intimidation verbale, telle que des insinuations ou demandes (répétées) de rapports sexuels. Cela concerne également toute nudité forcée ou le fait que la victime soit contrainte de regarder un matériel pornographique (masturbation, personne nue …) Ensuite, on parle d’abus sexuels lorsque le contact physique a lieu sans pénétration. Puis, la troisième forme de violence concerne la tentative de viol, et enfin, s’ensuit le viol à proprement parler. Celui-ci implique aussi bien une pénétration de tout type qu’un avortement forcé, selon le Code pénal.

Depuis « #metoo » et « #balance ton bar » la parole des gens est beaucoup plus libérée autour des vécus d’agression sexuelle.

Françoise Leroux

Une vidéo sur le consentement présentée par Blueseatstudios.com, aussi disponible sur le site « NON aux violences sexuelles »

« Pourquoi moi? »

Selon l’expertise de Françoise Leroux, les femmes représentent la grande majorité des victimes, elles sont souvent issues de milieux précaires. D’après Amnesty, les victimes de violence sont, dans 48% des cas, mineures. D’autres études montrent que des personnes qui ont déjà été confrontées à des violences sexuelles dans leur enfance ou adolescence ont plus de risques d’en subir à nouveau. C’est un phénomène psychologique appelé le « schéma de victimisation » qui contraint la victime à se retrouver dans des situations qui se répètent.

On estime que 48% de ces violences sexuelles sont commises par le partenaire, 10% le sont par quelqu’un de la famille et 7%, par une connaissance dans le milieu professionnel. En effet, trois auteurs de violences sexuelles sur quatre connaissent la victime avant de perpétrer l’acte.

Plus de 70% des victimes connaissent leur agresseur. Ça veut dire que la majorité des victimes ce n’est pas du « #balance ton bar.

Francoise Leroux

« Après le viol, il y a le trauma »

Le trauma peut être défini comme une réaction émotionnelle négative suite à un événement.

Françoise Leroux le constate, les violences sexuelles peuvent être des épisodes très traumatiques.  Ceux-ci  peuvent générer certains symptômes tels que des troubles sexuels, des troubles alimentaires, des troubles du sommeil, de la dépression, de l’anxiété … Comme elle le souligne,  une prise en charge précoce est très  importante car elle permet à la personne d’être reconnue en tant que victime,  de se reconstruire, d’avancer et de diminuer les impacts psychologiques négatifs à court et long terme.

Publication faite par: collages_feminicides_montreuil, cette page regroupe des collages avec des phrases percutantes contre le modèle patriarcal de la société.

Un accompagnement gratuit

En Belgique, il existe plusieurs ressources et lieux qui accueillent les victimes de violences sexuelles.  Il y a les plannings familiaux qui sont généralement composés d’une équipe pluridisciplinaire (gynécologue, psychologue, conseiller conjugal et familial …) Les professionnels de la santé tels que les médecins, les assistants sociaux ou encore des infirmiers sont également formés à prendre en charge les victimes.  Il est par ailleurs possible de s’adresser à la police pour une prise en charge par des inspecteurs spécialisés dans les mœurs. Le numéro vert  créé par SOS Viol est anonyme, gratuit et accessible du lundi au vendredi de 8h à 18h au : 0800. 98. 100. Leur plateforme permet d’envoyer un message sur le tchat du site : https://www.sosviol.be/   ou par un mail au : info@sosviol.be 

La Belgique compte cinq centres CPVS (Anvers, Bruxelles, Charleroi, Gand et Liège), chacun est relié à un hôpital, ceux-ci permettent d’accueillir les victimes en urgence. En effet, « le jour 0 », jour durant lequel se sont passées les violences sexuelles, les victimes sont d’abord prises en charge par une infirmière médico-légiste, commence alors le protocole d’accompagnement. Ce processus intègre des soins médicaux afin de soigner toutes les blessures et lésions, des examens médicaux pour identifier d’éventuelles MST (Maladies Sexuellement Transmissibles), grossesses non désirées … L’infirmière a déjà un rôle thérapeutique, elle prend en charge la victime dans sa globalité, elle écoute, rassure et soigne la personne. Si la victime le souhaite, elle peut entamer une enquête médico-légale en constatant les lésions en vue d’un prélèvement pour un éventuel dépôt de plainte.

Cependant, ce prélèvement n’est utile que si la victime vient endéans les 72 heures au centre tout en suivant certains conseils importants, au risque que le prélèvement ne contienne plus aucune trace de l’agresseur. Le soutien psychologique est l’étape suivante du protocole d’accompagnement , une vingtaine de séances seront proposées. Néanmoins, une étude au sein du CPVS montre que les victimes n’assistent en moyenne qu’à cinq rendez-vous car il semble que cet accompagnement soit trop précoce pour reparler de ces violences sexuelles.  Grâce à l’écoute active, il est important de libérer la parole afin de normaliser les éventuelles réactions négatives faisant suite à l’événement traumatique.

C’est mon hypothèse, elles ont été tellement bien prises en charge par les infirmières légistes, il faut que ça se referme pour rediscuter de tout cela, c’est trop près des événements, il faut un peu de temps pour reparler de tout cela.

Françoise Leroux

5 à 10 ans de réclusion

D’après Françoise Leroux, avant on estimait que 15% des victimes déposaient une plainte, à présent ce chiffre est à plus de 50%.

La loi belge reconnaît le viol (Article 375 du Code pénal) comme un crime passible de 5 à 10 ans de réclusion. Cette condamnation peut être aggravée si la victime est mineure, si le viol lui a causé la mort … La loi reconnaît également l’attentat à la pudeur (Article 372 du Code pénal) qui considère tout acte sexuel forcé tel que des attouchements non consentis … En Belgique, la majorité sexuelle étant fixée à 16 ans, il ne peut y avoir de consentement en dessous de cet âge, selon la loi.

#Metoo, un lanceur d’alerte médiatique

Brittany « B.Monét » Fennell, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons

En 2007, l’activiste afro-américaine Tarana Burke lance le #Metoo, son objectif : briser le silence et dénoncer les violences sexuelles. Dix ans plus tard, l’actrice américaine Alyssa Milano invite les victimes à utiliser ce hashtag qui fut partagé 12 millions de fois en l’espace de 24 heures. Ce mouvement devient alors international et donne lieu à d’autres hashtag tels que #Balancetonporc (France) ou encore #Quellavoltache (Italie). Ce phénomène médiatique dénonce l’aspect systémique des violences sexuelles. #Metoo a été le déclencheur d’une prise de conscience générale. Ce mouvement est une opportunité pour amener notre société à se questionner, à mieux protéger les victimes, à sanctionner davantage les agresseurs et à éduquer les nouvelles générations au consentement.

Comme l’a mentionné Françoise Leroux « Depuis #metoo et #balancetonbar, la parole des gens est beaucoup plus libérée autour des vécus d’agressions sexuelles. » Responsabiliser les agresseurs et déculpabiliser les victimes sont des premiers pas pour une parole plus libérée. Nous sommes sur le bon chemin vers une société plus respectueuse de l’autre.

Pour en savoir plus:

Valentine Rolland

20 ans, étudiante en 1ère BAC en communication à l’ISFSC.

Ce travail a été extrêmement enrichissant à tous les niveaux. J’ai voulu écrire sur ce sujet après avoir lu cette étude faite par Amnesty et SOS Viol. La première question qui m’est venue en tête a été : « Si 20% des femmes ont déjà été victime de viols, comment ont-elles fait pour survivre à cet évènement traumatisant? » Pour autant aucun article ne traitait du sujet de l’accompagnement des victimes , c’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai voulu travailler sur cet aspect-là. J’ai appris à structurer mon travail, à en apprendre davantage sur l’aspect psychologique, médical ainsi que légal. De plus, mon interviewée m’a beaucoup éclairée et cela m’a donné l’envie d’approfondir davantage mes recherches. En bref, j’ai adoré écrire sur le sujet même si cela reste un sujet assez tabou malgré son importante omniprésence.