L’interruption de grossesse est-elle en danger ?

Partout dans le monde, des manifestations sont organisées pour défendre le droit à l’avortement. Photo credit: Jeanne Menjoulet on VisualHunt.com

Le flou juridique autour de l’avortement en Belgique conduit à des attaques cachées sur la scène médiatique. Ce sujet devient même un tabou par son absence lors des débats politiques.

De nos jours, de nombreuses attaques visent l’avortement. Elles ne sont pas frontales, mais plus inconscientes, voire vicieuses. Reconnaître un statut à l’embryon est le parfait exemple pour illustrer ce genre d’attaque. D’après Virginie Lardinois, (accueillante, animatrice, psychologue et administratrice du GACEHPA) beaucoup de personnes ne voient que le côté positif mis en avant et ne voient pas ce que ça pourrait provoquer ensuite comme favoriser un retour en arrière.

Plusieurs attaques

Madame Lardinois se remémore que, quand il y a eu la proposition d’allongement des délais, beaucoup d’articles utilisaient comme accroche : « pour ou contre » dans leurs articles concernant les délais d’avortement. Or être « pour ou contre » n’était pas la question centrale dans ce débat. Elle estime que le choix des mots utilisés par les journalistes est important. Employer le mot enfant à la place du terme embryon quand on parle d’avortement peut laisser des traces dans l’imaginaire collectif, car les gens relient cela à un enfant. D’une certaine façon c’est une prise de position. Elle est peut-être inconsciente, mais lourde de conséquences. 

Les médias reçoivent régulièrement différents experts comme intervenants dans leurs émissions traitant le sujet de l’avortement. Des médecins par exemple, qui font des avortements tous les jours. En face, on donne souvent la parole à des politiciens et des évêques. Sont-ils vraiment pertinents quant à la question médicale concernant l’avortement ? Un politicien, un philosophe ou un sociologue peuvent-ils être considérés comme des experts de l’avortement ? Le choix dans les experts qui sont mis en avant peut être considéré comme de petites attaques. Décider que quelqu’un qui s’occupe d’éthique est un expert sur le sujet de l’avortement est d’une certaine façon, une prise de position. Ce n’est peut-être pas vécu comme une attaque, car le but n’est pas de fragiliser le droit à l’avortement, mais globalement le résultat est le même.

« Je me rappelle qu’en 2018 quand il y a eu ces changements de loi, beaucoup d’angles abordés dans les médias, étaient à propos de la vie du fœtus. Enfin qu’est-ce que vous faites ? Faites attention à ce que vous dites, attention au débat, que vous organisez les dimanches midi quand beaucoup de personnes vous écoutent. » Virginie Lardinois

Un tabou en Belgique

À l’heure actuelle, la société porte un jugement sur les femmes qui avortent. Par conséquent, elles préfèrent ne pas en parler. Ce qui démontre qu’il y a toujours un tabou autour de l’IVG.

« Pour moi, il l’a toujours été, ce n’est pas devenu tabou. » Virginie Lardinois

Certains médecins ont pris la parole dans les années 80 et 90 et ont permis, grâce à leurs combats, de libérer la parole de la femme. On peut notamment citer comme exemple le docteur Willy Peers, le gynécologue Marcel Vekmans, le Dr Georges Soumenkoff, ou encore le gynécologue Amy Jean-Jacques. La parole des femmes s’est vue libérée.

Vidéo qui retrace le combat de ces nombreux médecins entre 1980 et 1990

Il existe ce côté « jugeable » auquel les femmes qui veulent avorter sont confrontées, car certaines personnes peuvent penser que cet acte médical n’est pas normal. De ce fait, elles ne savent plus vers qui se tourner et à qui se confier. C’est quand même une chose qu’elles sont censées ne pas dire à tout le monde. Dans l’imaginaire collectif, elles doivent avoir une bonne raison pour le faire.

« Il n’y a pas longtemps; j’ai répondu à la question de plusieurs élèves. Elles voulaient interviewer une femme qui a fait un avortement. Elles trouvaient que c’était compliqué à trouver or si elles ont des sœurs, des cousines, quand on sait que ça concerne une femme sur 5 en Belgique, il y en a une dans leur entourage. Au moins statistiquement, il y en a une dans leur entourage sauf qu’elles ne sont pas au courant.» Virginie Lardinois

Flou autour de la loi

Après un combat de longue haleine, la loi concernant l’avortement a été adoptée le 15 octobre 2018. 

Cependant, pour de  nombreux professionnels et associations, cette loi n’est pas suffisante. D’une part, elle maintient des sanctions pénales à l’égard des femmes et des médecins en cas de non-respect des conditions dans lesquelles l’avortement doit être pratiqué. C’est donc un leurre de parler de dépénalisation de l’avortement. D’autre part, elle n’améliore que très peu les conditions d’accès à l’IVG. Ce n’est ni permis ni interdit. C’est dépénalisé, mais ça reste flou.

Manque de promotion

L’avortement est rendu inexistant par le gouvernement. On ne parle pas d’avortement, ce n’est pas repris sur les sites de santé du gouvernement.

En ce qui concerne les campagnes pour promouvoir l’avortement, elles sont payées par les plannings eux-mêmes. Il n’y a pas assez d’informations sur le fait que les plannings existent, que l’IVG est remboursée et que ça coûte 3,70€. De nombreuses femmes se rendent chez des médecins privés qui font payer 500€ l’intervention, car il n’y a pas de communication.

De plus, à cause du manque de communication, il y a une pénurie de praticiens. Seule l’Université Libre de Bruxelles propose une formation de trois ans aux techniques d’avortement, et ce, uniquement sur base volontaire. La formation, pendant longtemps, n’a été organisée qu’entre pairs, entre médecins.  Plus concrètement, une personne qui fait des études de médecine n’entend parler de ce sujet que très rarement. En effet, puisque ce n’est pas repris dans les cours, ce n’est pas vu comme quelque chose qui est lié à la médecine. Il y a également un véritable problème de promotion de ce côté.

Politique ou médicale

L’avortement est un acte médical, pourtant pour Virginie Lardinois en Belgique et dans de nombreux pays, vu qu’il concerne la santé des femmes, cela devient un sujet politique. Cependant, pour la spécialiste, même si l’avortement est un acte médical comme la contraception, le dépistage, il n’est pas traité de la même manière.  Elle estime que le dépistage n’est pas lié au genre contrairement à l’avortement.

En 2020, en Belgique, une vingtaine de femmes avaient protesté contre l’instrumentalisation politique de la loi IVG aux dépens des femmes. Elles avaient également manifesté leur colère, à la suite de l’affrontement politique sur la dépénalisation de l’avortement.

Pour en savoir plus

• Si vous souhaitez avoir des informations complètes sur l’avortement

• L’histoire derrière la loi de 1990 concernant l’IVG

• Article publié sur laicite.be sur la défense de l’avortement

• Une vidéo sur le droit à l’avortement en Europe qui montre que rien n’est gagné

• Le site des femmes de droit propose un article explicatif sur le statut de foetus

Timoty Dus, étudiant en communication à l’ISFSC