Faut-il souffrir pour être mannequin ?

Certains mannequins luttent chaque jour contre des problèmes de santé.
Image par Ahmad Ardity de Pixabay

Pression psychologique, déséquilibre alimentaire, dépression et même suicide … La santé physique et mentale de nos mannequins est mise à rude épreuve. Être la star des grands créateurs en gardant une vie saine : possible ou impossible ?  Mais qui est responsable des problèmes de santé que rencontrent bon nombre de modèles ?

qu’elles soient mentales ou physiques, nous ne sommes pas sans savoir que nos mannequins souffrent d’affections diverses pouvant mettre leur santé en péril. Les créateurs dessinent des tenues afin qu’elles soient portées par des femmes à la silhouette parfaite, mettant leur collection en valeur. Par conséquent, régime à répétition, boulimie ou même anorexie peuvent devenir le quotidien de ces mannequins si elles ne sont pas correctement encadrées. Des études ont démontré qu’un mannequin sur quatre de l’âge de 16 ans s’inflige des restrictions alimentaires menant à des carences importantes. De même, 40% des mannequins souffrent de troubles de l’alimentation.

Marie Guérin, rédactrice en chef du magazine ELLE, nous informe sur la santé des mannequins qu’elle a pu fréquenter durant ses shootings. La boulimie et/ou l’anorexie sont des sujets hyper personnels, comme l’explique la jeune trentenaire. Il lui est arrivé de voir des mannequins se goinfrer de Mc Donald’s et être fines comme des fils de fer, d’en voir certaines manger seulement deux pommes sur la journée ou encore d’autres qui étaient totalement en équilibre, qui faisaient du sport, mangeaient sainement, etc. Chacun son rythme de vie.

Règlement respecté ?

Par conséquent, plusieurs lois ont été créées afin d’améliorer le suivi des mannequins. Premièrement, la « loi santé », promulguée le 26 janvier 2016 et aujourd’hui plus connue sous le nom de « loi mannequin » comprend deux conditions : la première est que tous les mannequins devront être accompagnées d’un certificat médical. Et pour les photographes, ceux-ci devront mentionner « Photoshop » sous toutes les photos qui auront été retouchées. Deux autres maisons, LVMH et Kering, se sont également réunies pour établir une charte favorisant les relations de travail avec les modèles. La première règle reprend celle de la loi mannequin à condition que le certificat ait été obtenu six mois avant la séance photo ou le défilé. Toutes les maisons LVMH et Kering se sont engagées à supprimer la taille féminine 32 et la taille masculine 42 (française) de leurs exigences. Aucun mannequin de moins de 16 ans ne sera autorisé a poser ou à défiler pour une marque dédiée aux adultes. Enfin, pour accompagner les mannequins exprimant leurs besoins, les Maisons devront mettre à leur disposition un psychologue et/ou un psychothérapeute.

Notre talentueuse rédactrice en chef pense cependant que ces chartes ne sont pas toujours respectées : « Si je choisis un mannequin pour un shooting, que j’aime ce qu’elle dégage et sa personnalité, je ne fais pas attention à sa taille de pantalon ( si je vois qu’elle n’est pas maigre ). Quand je dois aller chercher les pièces échantillons qui sont disponibles pour la presse, je me rends bien compte que les vêtements sont en taille 34 et non en 38-40. »

Des inégalités au niveau des salaires

Pour un mannequin fin tel que Bella Hadid, le salaire serait plus élevé que pour Ashley Agraham, mannequin grande taille. D’après le site Votresalaire, Ashley gagnerait annuellement plus de 4,5 millions d’euros. Hors, le salaire de Bella s’élèverait lui à près de 11 millions, soit plus du double que celui de la mannequin XL. Mais pourquoi une telle différence ? « Tout simplement parce que le salaire d’une mannequin ne se traduit pas seulement en cachet par défilé mais aussi avec toutes les collaborations et sponsorings de publicité » , exprime Marie Guérin. Il est donc évident que la mannequin dite classique est bien plus demandée que la mannequin « plus size », ce qui explique le salaire plus élevé.

Un témoignage qui choque

« Les gens me disaient souvent que je menais une vie de rêve mais si vous regardez un peu plus loin que les apparences, vous pouvez voir que l’industrie de la mode est beaucoup moins glamour qu’elle n’en a l’air. »

On pourrait se demander si les créateurs ont conscience que les filles qui portent leur créations ne sont pas toujours au top, niveau santé. Certains ne s’en préoccupent peut-être pas, pour d’autres, c’est presque une priorité. Prenons l’exemple de « Pasarela Cibeles ». Alors qu’elle fête son 44ème événement principal de la mode de Madrid en 2006, Mercedes-Benz Fashion Week Madrid rejette cinq modèles en raison d’un poids insuffisant. La masse corporelle des mannequins souhaitant défiler ne pouvant pas être en dessous de 18, soit 56 kg pour 1,75 mètre. Il existe donc des créateurs qui se soucient de leurs collaborateurs. D’autres fermeront peut-être les yeux sur cet aspect pour toujours.

Un changement progressif

Alors que l’industrie de la mode prône la jeunesse et les corps fins, l’agence russe Oldushka n’a pas décidé de suivre cette idée. En effet, cette agence créée par Igor Gavar chamboule et heurte beaucoup d’esprits. Cette agence a pour particularité de n’engager que des seniors. « Oldushka » vient de « old » et « babouchka » ce qui signifie : vieille grand-mère . Mettant en avant les cheveux blancs et les rides, le photographe et créateur de l’agence, a pour objectif de montrer la beauté de l’humain, quel que soit son âge ou son physique. Ce n’est pas parce qu’on a 80 ans que la beauté ne fait plus partie de nous !

Les différences physiques sont de plus en plus acceptées dans l’industrie de la mode.

Photo de Anna Shvets provenant de Pexels

Cela fait quelques années qu’on constate également une évolution dans les campagnes publicitaires. On accentue la diversité des corps, les différentes couleurs de peau, les particularités physiques, etc… Marie confirme et nous confie sa pensée : « A un moment donné, on a mis en valeur les lectrices, les clientes et on a simplement décidé de refléter la société. Je pense que c’est une démarche qui est venue d’abord des vraies femmes qui, via les réseaux sociaux et via leurs actes d’achats, ont montré qu’elles voulaient être représentées par de vraies femmes. L’industrie a donc dû s’adapter à la demande de leurs consommateurs et j’en suis ravie. » Marie continue donc chaque jour de faire partager cette façon de penser à travers ses articles.

En 2009, le grand Karl Lagarfeld a dit : « Personne n’a envie de voir des femmes rondes sur le podium. Ce sont les grosses bonnes femmes assises avec leur paquet de chips devant la télévision qui disent que les mannequins minces sont hideuses.  » Marie Guérin ne perd pas espoir et dit :  » La sortie de la collection automne-hiver de Chanel avait fait tout un foin parce que la première mannequin body positive faisait une taille 40. Pareil pour le dernier défilé Versace ! Certaines mannequins avaient une taille bien plus élevée que 40 mais elles n’étaient que deux. Ça arrive petit à petit mais c’est encore compliqué. Néanmoins, c’est super que ces grandes marques qui étaient plutôt reticentes à la diversité des corps y adhèrent de plus en plus.  » On peut donc constater un début d’évolution des mentalités de la part de certaines grandes marques. Mais seul l’avenir nous dira si cet état d’esprit perdurera ou non.


Pour en savoir plus

Approfondir le sujet de la loi mannequin

Témoignage d’une mannequin indispensable aux yeux des grandes marques.

La relève des mannequins grande taille

Julie van Lierde

Je suis étudiante en communication à la Haute Ecole ISFSC. Si j’ai choisi cette école c’est parce qu’elle favorise la pratique à la théorie. Pour moi il est très important de pratiquer dès le début, c’est comme ça qu’on apprend le mieux. Passionnée de mode, je compte tout faire pour atteindre mes objectifs d’organisation de défilés. Un master est donc prévu pour l’événementiel !