La femme marginalisée

Plus vulnérables et sujettes aux agressions sexuelles, les grossesses indésirées, avortements, accouchements, menstruations. Les besoins du corps de la femme sont différents de ceux de l’homme. Si, en Belgique en principe, recevoir des soins de santé est un droit, les femmes qui se retrouvent à la rue n’ont pas toujours connaissance de ce droit.

Le nombre absolu des femmes mal logées à Bruxelles a augmenté depuis 2016. Sur les 4.187 personnes sans-abri et mal logés, 939 sont des femmes. Soit 22,4%. Dans les différents centres de crise, les chiffres suivent. Par exemple au Samu Social, où le nombre de femmes accueillies a presque quadruplé en 8 ans. Il est passé de 40 femmes à 146. Toutes ces femmes ne passent pas leurs nuits dans les rues. Une grande majorité d’entre-elles sont hébergées dans ces centres ou des hôtels payés par des ASBL. Mais le matin, c’est le retour à la réalité.

« Dans un monde où les richesses peuvent être mieux partagées, où tout le monde pourrait recevoir de l’aide, ça me choque. Je ne suis à l’aise avec l’idée qu’il y ait autant de précarité.« 

Binta Liebmann Diallo

Les problèmes de santé

Pour les personnes itinérantes, le maintien de bonnes pratiques hygiéniques est difficile. Il n’y a pas un accès direct à des douches ou des machines à laver. Forcées de dormir sales dans des vêtements non-lavés ainsi se manifestent des maladies et des infections types eczéma champignons ou mycoses. Mais aussi les problèmes de peau comme l’impétigo, la stase, la gale et les poux. Quand ils dorment, ils forment souvent des groupes. Surtout pendant les périodes un peu plus froides dans le but de se réchauffer, favorisant ainsi la propagation de ces infections.

Spécifique aux femmes, il y a le manque de protection intime. Contraintes de réutiliser les mêmes protections ou des bouts de tissus trouvés. Beaucoup de ces femmes sont aussi victimes d’agressions sexuelles. Elles en contractent des IST et MST. Mais de plus, l’accès à la contraception étant souvent compliqué, il résulte des viols, des grossesses non désirées. Telle est la réalité de ces femmes.

Détresse psychologique

Il y a énormément de détresse psychologique dans les rues. « Certaines femmes viennent simplement parce qu’elles ont besoin de parler « , confie Binta Liebmann Diallo infirmière chez DoucheFLUX. Vivre à la rue est une expérience stressante, effrayante, drainante. « Les problèmes de santé ce n’est pas seulement une plaie ou une maladie, continue Mme Liebmann Diallo. C’est aussi dire je ne me sens pas bien je n’arrive pas à manger je ne sais pas où dormir.« 

Un tiers des personnes SDF souffrent de troubles psychiatriques sévères, psychoses, troubles de l’humeur, dépression et/ou troubles anxieux sévères. Les troubles psychotiques majoritairement des schizophrénies représentent la pathologie la plus grave et la plus fréquente. Les troubles dépressifs sévères sont comparables à ceux de la population générale. Le risque suicidaire, les troubles de la personnalité et du comportement sont plus élevés.

Ont-elles droit aux soins ?

En Belgique tout le monde a droit à des soins de santé. Avec ou sans papiers. Lors d’une visite dans un centre de crise, l’aide-soignant qui prend la consultation peut faire une demande d’aide médicale urgente pour les patients. Ils sont ensuite redirigés vers le CPAS dans la commune dans laquelle ils dorment. Par exemple, ceux qui dorment sous le pont du midi sont redirigés vers le CPAS de la commune de 1000 Bruxelles.

Suite à la demande, le délai d’attente est de 3 semaines. Au bout de 3 semaines, les patients reçoivent une carte médicale fournie par le CPAS. Celle-ci donne accès à un médecin et une pharmacie spécifique.

Étant donné un délai d’attente relativement long, d’autres alternatives sont possibles. Comme le centre médical Athéna. Où tout le monde est le bien bienvenu.

Dans une crainte constante

Nombreuses sont les femmes SDF qui n’osent pas aller consulter des médecins par peur de se voir refuser les soins. « Dans la rue, on peut parfois être vite repoussé par toutes les barrières de la société ». Constamment confrontées à l’échec, certaines ont baissé les bras.

« Je propose mes services, en général le vendredi après-midi sur rdv. Mais certaines femmes n’osent pas venir quand il y a des hommes. »

Binta Liebmann Diallo

D’autres ont peur de fréquenter les lieux où il y a une forte présence masculine. Dans la rue, elles peuvent voir comment les hommes tombent dans la drogue, l’alcool et adoptent des comportements violents. Dans la société actuelle, la femme en général n’est pas assez considérée. L’homme occupe beaucoup de place. C’est pourquoi il est important de créer des espaces où elles pourront se sentir en sécurité.

homeless- by Jackie_Chance from Pixabay Free for commercial use

Où se procurer des soins?

DoucheFLUX est un centre de jour pour les personnes en situation de grande précarité, avec ou sans logement, avec ou sans papiers.

Le mercredi est un jour consacré 100 % aux femmes. Ce jour-là, le personnel en service est principalement composé de femmes. Il y est possible de voir une infirmière. L’infirmerie est chapeautée par Médecins du Monde et travaille en collaboration avec tout un réseau de maisons médicales, de médecins, de services d’urgence, services dentaires, services spécialisés en santé sexuelle ou encore mentale.

DoucheFLUX offre des services de première nécessité. Prendre sa douche, laver son linge, recevoir une pédicure médicale, faire de la kinésithérapie, voir une opticienne, un soutien psychologique et plus.

Bien évidemment, il s’agit d’un centre parmi tant d’autres. Pour prendre connaissance des autres centre voir la rubrique pour en savoir plus.

Et COVID dans tout ça ?

Durant la première vague, le milieu social a pu bénéficier de plus d’aide pour le sans-abrisme lié aux COVID. Il y a eu plus de financement des régions de la communauté française et de la ville de Bruxelles. Des hôtels ont été ouverts. Des bâtiments de la Commission européenne qui ont été transformés en chambres d’hôtel étant donné que les employés étaient en télétravail. Les personnes sans-abri ont été bien accueillies et ont pu y passer le confinement. Spécialement pour les femmes, pour qui c’était une grande sécurité de savoir qu’elles auraient un toit sous lequel dormir pendant cette période. Et cela n’aurait peut-être pas été possible sans COVID.

Depuis, les centres de crise prenant en charge les sans-abri comme DoucheFLUX ont mis en place des dispositifs pour continuer à apporter leur aide tout en respectant les directives du gouvernement. Se désinfecter les mains à l’entrée. Des masques propres à disposition avec possibilité de laver ces masques en tissu également. La température est prise et si jamais quelqu’un avec une forte fièvre se présente, il y a un protocole à suivre. Un service spécifique qui accueille les personnes sans-abri est contacté pour mettre cette personne en quarantaine. Si la personne présente plusieurs symptômes, il est possible de faire un test qui est gratuit pour les sans-abri.

Selon Mme Liebmann Diallo ce n’est pas à nous citoyens de venir en aide aux personnes en précarité mais au gouvernement.

« Cela relève d’une politique plus sociale et humaine. Cela dépend des personnes que nous choisissons pour diriger le pays. Choisir des personnes humaines permettrait de mettre plus d’argent dans le social et aider ces personnes. Ce n’est pas aux citoyens de s’occuper de ce que l’état doit faire. »

Binta Liebmann Diallo

Pour en savoir plus

  • Qu’est-ce qu’une personne sans-abri ? Ce n’est pas toujours clair. AMA a tenté donner une définition plus complète.
  • Le guide social propose 158 adresses, logements et centres d’aide pour les personnes sans-abri.
  • Consultez Bruss’help pour toutes les informations supplémentaires.

Noella Tshilombo Muyeji

23 ans, étudiante en communication à l’ISFSC.