Santé : conséquences de l’inflation belge

Annuler un rendez-vous chez un médecin alors qu’on en avait besoin par manque de moyens, c’est la réalité de quatre Belges sur dix en Wallonie et à Bruxelles. Pour cause : des prix de consultations trop élevés, un remboursement insuffisant, une inflation générale du coût de la vie. Les inégalités sociales pour l’accès aux soins de santé sont de plus en plus grandes.

Aujourd’hui le lien entre la classe sociale d’un individu et son accès aux soins de santé est clairement fait. Les études l’ont prouvé. Malgré tout, les soins de santé sont en recul par rapport aux besoins vitaux. Même la classe moyenne belge a plus de mal. L’explication ? L’inflation du coût de la vie de tous les jours. « Il n’est pas devenu plus cher pour les gens de payer les soins de santé. Mais il y a effectivement une inflation du coût de la vie courante. Les soins passeront après les besoins primaires », commente Jérôme Vrancken, data-analyst au Service Etudes de Solidaris.

Les Belges avec des revenus bas sont plus susceptibles de se déclarer en mauvaise santé contrairement aux personnes plus riches. Cette différence économique n’a pourtant pas de rapport direct avec le budget annuel belge en soins de santé qui s’élève à 10,3% du Produit intérieur brut (PIB) et qui n’a pas beaucoup bougé depuis 2017. Par ce pourcentage élevé du budget de l’Etat, les Belges sont considérés comme les plus généreux de l’Union Européenne en soins de santé. Et malgré cela et une moyenne d’espérance de vie augmentée de quatre ans depuis 2000, il reste une différence de cinq ans de vie entre les groupes sociaux instruits et non-instruits.

L’instruction, une différence ?

L’instruction de la personne ainsi que l’accès à la prévention sont deux éléments importants des différences dans l’accès aux soins de santé. Nos seniors sont parmi les plus touchés par cette inégalité. Les personnes les mieux instruites, les mieux au courant, vivent jusqu’à cinq ans de plus que les personnes en précarité. Malgré tout, la santé de nos seniors recule depuis 2015. Entre départs anticipés pour réduire le stress ou encore pour cause de maladie, 15,6% des retraités regrettent de ne pas être partis plus tôt. Alors que l’âge légal de la pension recule ! Et pourtant selon une étude Solidaris, un quart des francophones belges auraient souhaité partir plus tard. Pour ceux en précarité, pour des raisons économiques. Les seniors avec le plus de diplômes ont tendance aussi à vouloir quitter plus tardivement leur travail.

La prévention trouve aussi une place moindre dans la population défavorisée. Un exemple simple : le nombre de mères adolescentes. Elles sont jusqu’à 7,5 fois plus présentes dans les groupes en précarité. Pour cause : une pratique de la contraception très différenciée d’un groupe à un autre. Un autre type de prévention avec une différence fortement présente : le dépistage du cancer du sein chez les femmes ainsi que du cancer du col de l’utérus. Cette couverture est inférieure jusqu’à 14% et 11% dans les populations précarisées. De plus,il y a 25% de dépistage en moins pour le cancer du col de l’utérus en 10 ans!

La précarité étudiante ne peut être mise de côté !

Entre 2012 et 2018, le coût des études a augmenté de 21% selon la Fédération des étudiants francophones. PHOTO/ Andrew Tan / Pixabay

Un autre type de personne pouvant être touchée par la précarité sont les étudiants. Nous le voyons actuellement en France avec cet étudiant immolé à Lyon. La période des études représente un coût certain pour les parents ou bien les étudiants eux-mêmes. En 2017, la Fédération des étudiants francophones (FEF) sortait une enquête qui fait le lien entre la prostitution de certains et le payement des études. Si les élèves du supérieur ont du mal à payer la vie au quotidien, les soins passeront au second plan. « Les étudiants sont effectivement des profils plus à risque », intervient également Jérôme Vrancken. Entre 2012 et 2018, le coût des études a augmenté de 21% laisse savoir la FEF dans un communiqué de presse de 2018.

https://www.youtube.com/watch?v=NsJ-xlN07nU
#LaPrécaritéTue. Un étudiant français s’immole devant le crous à Lyon – France Info / l’Actu.

Plus on descend sur l’échelle sociale, plus on fait face à des décès avant l’âge de la pension, aux maladies chroniques, graves et invalidantes. Un exemple : il y a deux fois plus de personnes diabétiques et trois fois plus de personnes handicapées parmi la population défavorisée que parmi les riches. Les personnes précarisées se retrouvent étonnamment plus souvent hospitalisées et pour des périodes plus longues que les personnes qui ne sont pas ou moins en difficultés financières. La raison : l’état de santé souvent plus dégradé et une prévention moindre.

La Belgique a une couverture de soins de santé à 99,8%. Elle dépense un peu plus de 10,3% de son PIB aux soins de santé. Ce qui est plus que dans les pays voisins. Selon Jérôme Vrancken, l’appartenance à un groupe social définit l’impact socio-économique sur la santé et l’état de santé d’une personne. L’Etat prend en charge jusqu’à 80% des dépenses dans le domaine de la santé. Les 20% qui restent peuvent représenter un énorme budget pour les personnes en difficulté financière. Chez Solidaris, l’utilisation d’un tiers-payant permet un accès plus ‘simple’ aux soins de base comprenant les visites chez le généraliste ainsi que celles chez le gynécologue. Ce tiers-payant signifie que le patient ne paiera que le ticket modérateur à la place de la totalité du prix, le reste passant directement de la mutualité au prestataire de soin. Généraliser le tiers-payant serait un premier pas vers la santé pour tous.

Remboursement mutuel, une solution ?

Toujours selon J. Vrancken, la Belgique a une couverture quasi universelle à 99,99% grâce à l’assurance maladie obligatoire. Dans la catégorie des gens en difficulté pour cet accès aux mutuelles, les migrants et les sans-abris sont en première place. Le remboursement belge se fait selon une convention signée entre les représentants des professionnels de la santé, des mutualités et des pouvoirs publics. Dans ce document se trouve le prix officiel. Celui-ci se décompose en deux ou trois parties : l’honoraire officiel, à charge de la mutualité, le ticket modérateur, à charge du patient, et les suppléments d’honoraires s’il y en a, également à charge du patient. Il est aussi important de mentionner que les médecins ne sont pas obligés de suivre la convention et peuvent toujours demander le prix qu’ils veulent. Aujourd’hui, certaines mutualités telles que Solidaris, proposent un remboursement total après l’ouverture d’un Dossier médical global (DMG) chez son médecin traitant. Cela signifie qu’elle remboursera aussi le ticket modérateur qui était jusque-là à charge du patient. « Malgré tout, si vous avez des suppléments d’honoraire car votre généraliste n’est pas conventionné, ils resteront à votre charge », confirme Mr. Vrancken.

Si la Belgique est bonne élève en soins de santé, elle ne dépense que 2,2% des 10% du PIB pour les soins en santé publique et prévention des maladies. Ce chiffre se trouve en dessous de la moyenne européenne. Par ce chiffre, il est possible d’affirmer que le nombre d’hospitalisations potentiellement évitable est plus élevé dans notre pays que dans nombre d’autres pays de l’EU. Ne serait-ce pas le prochain pas vers des soins plus accessibles ?

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Jeanne Rahier, 20 ans, étudiante en communication à l’ISFSC.