Dans l’ombre de la maladie chronique

Dans le monde, plus de 420 millions de personnes sont diagnostiquées d’une maladie chronique. Mais derrière la santé physique, comment va la santé mentale ? Un sujet peu évoqué, la dépression touche un grand nombre de patients vivant avec une maladie.

© Hilson Lisa 2020

Entre une déprime passagère et une dépression, il y a un monde. Le terme de « dépression » est encore beaucoup utilisé à tort pour exprimer un sentiment de tristesse et de solitude profonde. Alors que dans la majorité des cas, il s’agit souvent d’une déprime de quelques jours à toute fois ne pas négliger. Effectivement, il se peut qu’une déprime s’aggrave en état dépressif, si on en fait abstraction. Même si la dépression est le trouble psychiatrique le plus fréquent, elle reste une maladie dite taboue. Elle a du mal à être reconnue comme une maladie bien réelle.

Pourquoi ? Il semblerait que la société actuelle sensibilise trop peu à ce sujet, pourtant plus de 264 millions de personnes de tous âges dans le monde sont atteintes d’une dépression. Et la dépression ajoutée à la maladie incurable, est encore moins partagée.

Qu’est-ce que la maladie incurable ?

La maladie incurable (chronique), est évoquée dans le cas où elle évolue sur le long terme et nécessite un traitement à prise régulière. L’impact est différent d’une maladie à une autre et variable en fonction de la situation socio-culturelle de chacun. Elle est soit présente tout au long d’une vie ou bien une grande partie. Elle peut toucher tous les systèmes, que ce soit neurologique, cardiovasculaire, hématologique, métabolique, infectieux, et oncologique.

« Les patients atteints du VIH ou une toute autre maladie, passent par une phase de déni par rapport à la maladie. Ils pensent que la maladie n’existe pas, que le traitement lui sera néfaste ou refuser le traitement pour des idées religieuses.« , explique le Dr. Fabrizio Buttafuoco, travaillant à l’hôpital André Vésale dans le service de maladies infectieuses.

Témoignage de Lucie Hovhannessian

Les plus jeunes patients souffrant d’une maladie chronique, ont encore plus de mal à accepter le diagnostic. En effet lorsqu’ils apprennent qu’ils sont atteints du VIH, ils n’acceptent généralement pas leur jugement et se laissent malheureusement aller pour finir dans l’unité de soins intensifs, avec un déficit immunitaire sévère.

De l’annonce à l’acceptation

Pour un patient qui vient d’apprendre qu’il sera probablement malade jusqu’à la fin de sa vie, son monde s’écroule. Il est persuadé que sa vie globale et affective s’arrête au moment où le diagnostic tombe.

Le processus d’acceptation se déroule en 5 étapes :

  1. Le choc initial, le déni : Quand le constat tombe, le patient est totalement perdu. Il peut être totalement désintéressé, surpris ou angoissé. Ensuite c’est une phase où ses émotions le quitteront. Il voit son espérance de vie diminuer et se voit déjà dans la tombe.
  2. La colère : C’est une étape plus positive que la précédente. Il prend conscience de la réalité de la maladie. Il comprend qu’il est bel et bien malade et qu’elle peut l’empêcher de faire certaines choses, il voit ça comme une injustice. Il comprend également qu’il n’y a aucun retour en arrière possible, et qu’il doit commencer son deuil.
  3. Le marchandage : C’est une phase de négociation. « J’accepte ce traitement mais pas cela » ou bien « Je ne trouve pas le temps de faire mon traitement ». Le rôle du médecin sera d’aider son patient à s’exprimer sur ce qu’il vit, et à négocier son traitement sur ce qui est possible.
  4. La tristesse : C’est la grande remise en question après des évènements qui se sont produits suite à des complications. Le patient doit comprendre que sa maladie est bien présente et qu’il faut à présent l’assumer.
  5. L’acceptation : Une nouvelle commence, il retrouve un équilibre émotionnel et reprend le dessus. La réalité est comprise et acceptée.

Les blocages dans le processus du deuil

Tous les patients n’acceptent pas la maladie malgré le soutien du médecin et de son entourage. Ils ne parviennent pas à faire le deuil, certains blocages en sont responsables :

  1. La résignation : Il est possible que le patient stagne à l’étape du déni, et peuvent y rester pendant une longue période. Lorsqu’apparaissent des complications, le patient se réfugiera donc dans la résignation. Il devient alors dépendant des soignants et de son entourage, et est alors très négatif et rempli d’amertume.
  2. La pseudo-acceptation : Le patient ne s’estime pas malade. Il le dissimule donc à ses proches. Il ne laisse passer aucune faiblesse, veut se montrer fort et met son corps à l’épreuve en faisant des performances physiques importantes. Il souhaite à tout prix prendre le dessus sur la maladie.
  3. Les personnes qui s’identifient à leur maladie : Contrairement à la pseudo-acceptation, le patient organise tout autour de sa maladie. Le travail, les relations sociales, les loisirs,… tout est remis en question. Il est possible qu’il y ait des difficultés relationnelles envers les soignants. Le patient exprime des doutes sur leurs capacités à le soigner.

Ressentir une profonde tristesse après son diagnostic est normal, humain et fait partie du processus d’acceptation. Chacun avance à son rythme. Même si le patient se montre réticent à l’accepter, il ne faut pas le brusquer et l’aider à surmonter cette épreuve.

L’annonce d’une maladie grave au patient

« Ce n’est pas une maladie de se sentir triste, désemparé, lorsque l’on pose un diagnostic lourd. »

Fabrizio BUTTAFUOCO, médecin à l’hôpital André Vésale

Comment le patient vit avec sa maladie ?

Au départ, le patient pensera que c’est la fin de sa vie affective, voire même de sa vie tout court. Cela dure un temps, le traitement aide les gens à aller beaucoup mieux, d’après le Dr. Buttafuoco. Il remonte la pente et recommence à vivre une vie normale. Il s’aperçoit qu’il aura une vie tout aussi longue que n’importe qui, une vie affective et peut-être même avoir des enfants.

Il a déjà été remarqué que certains traitements donnaient un état dépressif comme effet secondaire au patient. Il est donc possible de changer le traitement de ce dernier. Il devra prendre des médicaments toute sa vie, il est important qu’il se sente le plus à l’aise possible. Le médecin doit alors être très attentif au bien être de son patient, suite aux effets secondaires de son traitement.

Qu’en est-il de donner un traitement supplémentaire lorsqu’un patient est en détresse psychologique ? Le Dr. Buttafuoco explique :  » Je suis plutôt réticent à donner un traitement antidépresseur car c’est rendre le patient plus malade et ce n’est pas une maladie d’être triste.« 

Le soutien est primordial

Le soutien moral est très important pour le patient. La proximité à l’hôpital est en première ligne. Si le patient le désire, il peut communiquer avec un psychologue de l’hôpital ou bien un privé. Le Dr. Buttafuoco affirme qu’une psychologue passe dans le service de maladies infectieuses toutes les semaines. Docteurs, infirmières et assistants sociaux sont également présents pour lui offrir le meilleur soutien possible.

Les contacts extérieurs à l’hôpital est important pour le patient. Sa famille et ses proches sont une ressource primordiale sur laquelle il doit pouvoir compter. Il faut impliquer la famille du patient dans sa prise en charge.

Il est possible aussi qu’il veuille s’ouvrir à des personnes vivant la même situation que lui. Les groupes de soutien ont un grand succès auprès des patients.

Des associations de patients sont mises en place sur les réseaux sociaux. Elle réunissent l’ensemble des malades pour une journée à thème pour toute la famille, telle que l’a fait l’association IRIS ( association de patients déficits immunitaires primitifs ).

Tout porte à croire que la dépression peut atteindre n’importe qui dans n’importe quelle situation.

« La dépression est dangereuse pour les patients, il faut être attentif aux symptômes affectifs chez les malades, leur montrer qu’on les accompagne aussi pour leur santé mentale et pas que physique« 

Dr. Fabrizio BUTTAFUOCO

Pour en savoir +

Lisa Hilson

Etudiante en 1ère année en communication à l’ISFSC