On enterre les pauvres, l’écart social se creuse.
En Belgique, appartenir à certaines classes sociales influence l’accès aux soins de santé. Alors que les SDF comptent sur les diverses ASBL pour survivre, la classe moyenne peine à s’autoriser tous les soins quand les personnes aisées n’ont, elles, aucune difficulté. Pourquoi un si grand déséquilibre alors que l’accès aux soins de santé est un droit fondamental pour tous ?
Aujourd’hui en Belgique, une personne sur quatre renonce à se soigner et sélectionne les médicaments qui lui sont prescrits pour des raisons financières. D’après l’enquête menée par Solidaris, c’est le report des consultations chez les médecins spécialistes qui a le plus augmenté en 4 ans, passant de 17,7% à 25,6% !
La précarité fait passer les soins de santé à la trappe !
Le minimum vital (revenu minimal que doit posséder une personne pour pouvoir subvenir à ses besoins primaires tels que la nourriture, le logement, l’éducation et les soins de santé) est calculé à partir du contexte socio-économique.
Chez nous, une personne isolée aurait besoin de 1.115 € pour vivre au-dessus du seuil de pauvreté, pourtant le revenu minimum d’allocations d’insertion ne s’élève qu’à 956 €. Cette différence induit une obligation de faire des choix, et ce sont bien souvent les bilans médicaux, particulièrement les soins spécialisés, qui sont abandonnés au profit des besoins vitaux tels que se nourrir, se loger. Si ces choix peuvent s’avérer judicieux sur le court terme, à long terme, ces décisions sont responsables de maladies dépistées trop tard qui finalement aboutissent à des dépenses accrues, voire à une espérance de vie réduite.
Ainsi, les belges les plus pauvres voient leur vie se raccourcir de 14 à 17 ans.
Ces chiffres aberrants s’expliquent notamment par l’origine de la classe sociale et le niveau d’éducation qui entraînent une barrière informationnelle. Ce qui empêche les personnes dans le besoin de savoir à qui s’adresser. 56% des belges vivant dans les quartiers les plus pauvres risquent de mourir dans l’année contrairement à ceux qui vivent dans les quartiers les plus riches, épargnés par ce phénomène. Le manque de revenus entraîne en cascade un manque d’hygiène et encourage les personnes concernées à consommer des produits moins qualitatifs, à abuser de la « malbouffe ». Les difficultés financières obligent aussi certaines familles à résider dans des logements à moindre coûts qui sont parfois insalubres, favorisant le développement de maladies ou d’infections chroniques.
L’enquête Solidaris montre que la précarité force aussi les malades à faire des choix dans les médicaments prescrits par les médecins et dans les consultations chez les spécialistes. L’étude rapporte qu’en 2016, les groupes sociaux les plus faibles se distinguaient par des difficultés financières plus importantes que les autres groupes. Mais 4 ans plus tard, si les groupes sociaux les plus élevés ne sentent aucune différence, et même une amélioration, les classes moyennes, elles, ne peuvent plus faire face au manque de moyens pour se soigner. Ce sont dans les classes faibles et moyennes que les reports de consultations chez les médecins se sont le plus accrus. Les inégalités sociales continuent de se creuser, impactant fortement l’accessibilité aux soins de santé.
Solidaris : « Nous ne laissons personne au bord du chemin. »
C’est par la rencontre de Laurence Lejeune, déléguée à la gestion journalière de Solidaris, que le rôle de la mutualité dans la lutte contre ces inégalités se précise. Elle livre lors d’une interview que Solidaris a pour vocation de ne laisser personne au bord du chemin. 96,9% des affiliés sont satisfaits des services de Solidaris qui représente, à l’échelle Wallonne, 888.223 titulaires et 1.320.702 bénéficiaires. Si ces personnes sont aussi satisfaites de leur mutuelle, c’est qu’elles y trouvent des solutions aux problèmes liés à l’accès aux soins de santé.
Pour les personnes précarisées, la mutuelle applique la pratique du tiers payant, qui dispense le patient d’avancer les frais de santé pris en charge par la mutuelle. Même si la quote part qui reste à leur charge peut s’avérer encore difficile à payer pour certains.
Parallèlement, l’information est un problème majeur dans la difficulté d’accès aux soins de santé. C’est pourquoi Solidaris met en place toute une série d’actions pour faciliter la vulgarisation de l’information. Laurence Lejeune explique que « Les permanences sociales, ainsi que les conseillers, le call center et tout notre réseau de première ligne sont tout à fait disponibles et prêts à aider quiconque les questionne pour un document non compris. Nous avons pleinement conscience que ce n’est pas évident pour tout le monde de se familiariser avec la complexité administrative, c’est pourquoi nous tendons à vulgariser les procédures administratives, afin d’offrir plus d’accessibilité et une meilleure information ». Solidaris organise aussi des conférences thématiques par petits groupes ciblés, pour rappeler l’importance d’être correctement couvert en cas de soucis de santé. Car, Laurence Lejeune le rappelle, les études sociologiques montrent que les personnes les plus précarisées s’isolent et ne demandent pas l’aide dont ils auraient pourtant besoin.
Solidaris privilégie par ailleurs divers moyens de communication, du contact direct au sms, en passant par l’application mobile, afin que chacun puisse retrouver le mode le plus efficient selon ses habitudes de vie.
Solidaris : « Ayons le courage de faire de la sécurité sociale une priorité pour laquelle tout le monde cotise, en ce compris les multinationales ! »
Si la Belgique peut se vanter de disposer d’une bonne protection sociale et d’un système de santé de qualité, force est de constater que des efforts restent à faire pour « contribuer à un système de santé qui fonctionne encore mieux et qui n’exclut personne. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons garantir que les soins de santé soient un réel droit fondamental pour tout le monde », comme le précisait Maggie De Block (Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, à l’Intégration Sociale et la Lutte contre la Pauvreté) dans la préface du « Livre Vert sur l’accès aux soins en Belgique »(PDF). En réponse à quoi Solidaris, en sa qualité d’acteur social et politique, revendique une croissance des soins de santé qui corresponde à l’évolution des besoins de la population. « Faire une projection budgétaire avec une croissance de 1,5% alors que l’on sait que la croissance naturelle est de 2,5%, est une utopie et ne laisse place à aucune marge pour les traitements nouveaux. La sécurité sociale est un pilier essentiel au fondement d’une société plus juste et nous ne pouvons que démontrer la nécessité des besoins en soins de santé et revendiquer haut et fort pour nos affiliés les besoins objectivés en matière de soins de santé. » précise encore Laurence Lejeune, déplorant certaines décisions gouvernementales relatives, par exemple, à l’augmentation du prix des médicaments dont les objectifs initiaux visaient à en diminuer la consommation pour le bien-être de la population, mais qui finalement ne l’a réduite que de 0,1% mais a conduit les patients à payer 7,5 fois plus cher le médicament que le médecin lui a prescrit.
Et Laurence Lejeune de conclure : « Cessons de culpabiliser les gens, qu’ils soient malades ou sans emploi, et accompagnons-les à mieux prendre soin de leur santé en donnant accès aux soins préventifs sans devoir trier les soins et les médicaments qui, de ce fait perdront en efficience. Ayons le courage de faire de la sécurité sociale une priorité pour laquelle tout le monde cotise, en ce compris les multinationales. »
Si les solutions ne sont certes pas immédiatement évidentes, le travail conjoint des mutuelles, des pouvoirs décisionnaires et des organisations sociales vise continuellement à apporter une réponse efficace à l’inégalité dans l’accès aux soins de santé pour l’ensemble des citoyens belges.
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Lara Jacqmin étudiante de 21 ans fraîchement inscrite en bac 1 communication à l’ISFSC.