Les femmes migrantes, doublement défavorisées face à l’accès à la santé ?

En Belgique seulement certains étrangers, dans des situations précises, ont la chance de bénéficier du système de santé. Les femmes étant déjà défavorisées, qu’en est-il des femmes migrantes ?

Selon le Centre Fédéral de Migration (Myria) en 2019, parmi les 40.588 étrangers ayant obtenu la nationalité Belge, environ la moitié était des femmes (PDF). C’est une augmentation pertinente étant donné que l’écart entre hommes et femmes était plus important au début des années 2000.

L’accès de tous à des soins essentiels

Une immigrante peut accéder à différents services de soins médicaux durant la procédure d’asile. Seul celle qui détient un titre de séjour régularisé peut soit bénéficier des prestations de l’assurance maladie de son pays d’origine, soit faire une demande d’aide au CPAS. Cette dernière est appelée l’Aide Médicale Urgente (AMU). Elle consiste en la procédure suivante : la demande est introduite, le CPAS prendra maximum 30 jours pour y répondre et les frais des soins de santé pourront, en cas de réponse affirmative, être pris en charge par le CPAS.
Quand une demande d’asile est refusée, l’accès aux soins de santé devient plus difficile. Durant les démarches de régularisation de séjour, le CPAS et/ou d’autres associations peuvent venir en aide à ces personnes.

Mme. Prémont (psychoclinicienne chez Woman’Do, collègue de mon interviewé) explique : « Les demandeuses d’asile ont l’aide de Fedasil ou de la Croix Rouge, donc chaque consultation chez le médecin est normalement remboursée en fonction d’où (à quelle étape) elles se situent dans la procédure. Celles qui sont en situation illégale dépendent de centres (d’accueil et d’orientation) pour avoir accès à une carte AMU leur permettant d’accéder aux soins urgents ou de se tourner vers le Hub humanitaire. »

Le besoin d’un suivi médical

Ayant souvent fui des violences physiques, sexuelles et psychologiques, les migrantes peuvent avoir besoin, selon la psychoclinicienne Mathilde Légaz, d’un soutien (psychologique) spécifique contenu des épreuves qu’elles ont traversées. Les médecins non spécialisés en trauma ne sont pas toujours en mesure d’offrir cet accompagnement.

Mathilde Légaz travaille actuellement dans le centre Woman’Do, un « Planning familial, spécialisé dans l’accompagnement post-traumatique de femmes exilées en séjour précaire ayant fui des violences ». Elle ajoute : « Nous avons des psychologues, des spécialistes du socio-juridique et du médico-psychiatrique. Nous sommes toutes formées pour tout ce qui est du psycho-traumas ».

Consultation psychologique pour les patientes ayant subi des traumas, l’une des propositions principales du centre Woman’Do
© Mathilde Légaz

Le passé souvent traumatique des migrantes

Les réfugiées quittent leur pays d’origine pour chercher une vie meilleure ailleurs. Les femmes peuvent fuir des situations traumatisantes telles des viols, des mariages forcés et des mutilations génitales etc. Selon UNICEF : plus de quatre millions de filles sont exposées au risque de subir des mutilations génitales féminines.

Parmi ces femmes, nombreuses sont celles qui subissent des violences conjugales. Les migrantes quant à elles sont encore plus défavorisées étant donné qu’elles ne connaissent souvent pas leurs droits vis-à-vis de leur conjoint violent. En raison des mesures sanitaires actuelles liées à la pandémie du Covid-19, cette situation est aggravée.
Des associations existent pour les écouter, les informer et les aider en leur proposant des pistes de solution. Le centre Woman’Do propose, par exemple, des consultations en fonction de leurs besoins.

L’Etat belge pas accueillant ?

Force est de constater que les migrants ne sont pas accueillis à bras ouverts par le gouvernement belge. Des propos tenus par certains politiciens belges, tels que ceux de Théo Francken (membre de la N-VA et ancien Secrétaire d’État belge à l’Asile et à la Migration), sont jugés problématiques. Sur les réseaux sociaux, ses comptes laissent apparaître des publications disant qu’il souhaite interdire la burqa ou utilisant l’hashtag #opkuisen (nettoyage), quand des migrants illégaux se sont fait arrêter à Bruxelles.

Mme. Légaz révèle: « Ce n’est pas l’Etat belge qui met l’aide nécessaire en place (pour les migrants) mais plutôt des associations et ONG, telles que Médecin du Monde ou Médecins sans frontières. Nous ici, on voit qu’on ne reçoit pas beaucoup de soutien de l’Etat pour ce genre d’initiative. »
A cela s’ajoute la complexité de la législation propre aux associations humanitaires belges. L’asbl Woman’Do doit manœuvrer habilement parmi toutes ces procédures et textes de loi.

Mme. Légaz conclut que la procédure d’accès aux soins de santé belges est très complexe et ceci d’autant plus pour les personnes ne maîtrisant pas une des langues officielles belges.

Qu’en est-il de nos pays voisins ?

L’Italie fait face à des accusations d’avoir repoussé des migrants et demandeurs d’asile vers la Slovénie. L’objectif des autorités italiennes était de refouler ces réfugiés hors de la zone de l’Union Européenne en direction de la Bosnie-Herzégovine.

La Grèce est, elle aussi, pointée du doigt. Une vidéo, prise par un drone, des forces de sécurité turques montre des garde-côtes grecs abandonnant des exilés sur un petit bateau pneumatique, à plus de 30 kilomètres de la côte turque. La garde côtière turque les a sauvés alors qu’ils étaient « au bord de la mort ».

« Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois, perdus. »

Déclaration d’Emmanuel Macron lors d’une cérémonie de naturalisation à Orléan en juillet 2017 en parlant des demandeurs d’asile vivant dans à la rue.

Trois ans après sa déclaration, de nombreuses personnes se trouvent encore sans logement ou sans papiers en France. Le 23 novembre 2020, les forces de l’ordre françaises ont évacué plusieurs centaines de migrants par la force. Leslie Carretero (journaliste spécialisée sur les questions migratoires chez InfoMigrants) explique, lors de son invitation dans l’émission Décryptage de rfi (Radio France internationale), que la situation de ces personnes n’a pas évolué depuis 2017.
Dans le pays des Droits de l’Homme, Le Monde déclare que depuis 2019 le gouvernement français « rabote les droits à l’assurance-maladie et l’accès aux soins des personnes étrangères ».

Ceci témoigne des situations que les migrantes peuvent avoir vécues et justifie la nécessité d’un encadrement psychologique à leur arrivée en Belgique.

Besoin d’une amélioration


Médecins du monde a reçu 4 063 personnes réfugiées (hommes, femmes et enfants) en consultation médicale durant l’année 2019. Ils leur ont proposé des soins médicaux ainsi que de l’aide psychologique. Pour les femmes et jeunes filles, ils ont organisé des consultations spéciales avec une équipe de sages-femmes
Pour que toute personne, vivant en Belgique, ait accès aux soins de santé de base, les associations actives dans le domaine ont un besoin crucial de subventions supplémentaires de l’Etat.


Pour en savoir plus

Définition, des Nations Unies, de « migrant » :  « toute personne qui a résidé dans un pays étranger pendant plus d’une année, quelles que soient les causes, volontaires ou involontaires, du mouvement, et quels que soient les moyens, réguliers ou irréguliers, utilisés pour migrer ». Définition venant de Réfugiés et Migrants

Fedasil : L’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile

La Croix-Rouge : Acteur de référence dans le domaine de l’action humanitaire

Le Hub humanitaire : « Aux côtés des migrant.e.s en Belgique »

Titre de séjour régularisé: les migrants qui soit ont trouvé un travail dans leurs trois premiers mois en Belgique soit pour lesquelles « des circonstances exceptionnelles rendent impossible ou très difficile un retour dans le pays d’origine », article 9 bis de la loi du 15 décembre 1980


Moïra Brigandí
Etudiante en communication, activiste contre toute forme de discrimination